À Tannay, le vin ne meurt jamais. Réputées depuis le Moyen Âge, les vignes et leurs 3 000 hectares ont été intégralement détruites en 1875 par le phylloxéra. C’est à la fin des années 1980 que quelques vignerons ont décidé de redonner vie à un vignoble exceptionnel mais méconnu.
Ils sont deux ce matin-là. À dix heures, la rencontre se fait autour d’un verre de melon de Bourgogne. Qu’on ne s’y trompe pas, c’est un vin, issu d’un cépage typiquement bourguignon, mieux connu sous le nom de muscadet. Dans le caveau, deux générations de viticulteurs : Jean-Marc Perdikouris, 44 ans, installé depuis 2004 sur son domaine de sept hectares, et Romain Desbrosses, 22 ans, fils d’éleveurs du Morvan, qui vient de racheter l’un des domaines historiques de l’appellation.
Au domaine Perdikouris, Jean-Marc revient sur 20 ans de viticulture : « Mon beau-père a commencé à la fin des années 80 avec le renouveau du vin de Tannay. Pendant mes études, je travaillais avec lui, puis j’ai récupéré ses vignes. » En 2004, après deux années à Beaune, Jean-Marc produit son premier vin. Romain Desbrosses, lui, a repris le domaine de Bel Air à quelques kilomètres. Neuf hectares historiques – seul domaine en culture biologique de l’appellation – créés au début des années 1990 par Pierre Hervé, l’un des acteurs du « renouveau des vins de Tannay », avec une implantation en lyre (en V).
Si, de son côté, Jean-Marc Perdikouris a opté pour une culture raisonnée, les deux domaines pratiquent – pour le moment – les vendanges manuelles. « Pour le moment, parce qu’il est difficile de recruter des vendangeurs, même si, entre la famille et les copains, un domaine de sept hectares ne demande pas non plus une main d’œuvre très importante », explique Jean-Marc. Romain, de son côté, a trouvé la solution : « Pour mes premières vendanges, j’ai fait appel à un prestataire. Je dois rénover la cuverie, créer le caveau dans une ancienne cave voûtée, et entretenir les vignes. J’ai assez à faire ! »
Une année 2022 exceptionnelle
Si les vins de Tannay bénéficient des berges de l’Yonne, le climat joue un rôle prépondérant dans la fermentation. L’eau va apporter la quantité en faisant gonfler le raisin. La chaleur, quant à elle, va réguler l’acidité, un élément primordial pour Jean-Marc : « Je fais de la fermentation malolactique [NDLR : transformation des acides maliques en lactiques qui garantissent souplesse et stabilité]. J’ai donc besoin qu’elle ne baisse pas trop pour garder une certaine fraîcheur. »
D’après les deux viticulteurs, le tannay 2022 sera donc une année exceptionnelle : des vins expressifs tout en rondeur, fruités, frais et aux saveurs « ni de la Côte, ni du chablisien, ni de la Loire ». Jean-Marc proposera cette nouvelle cuvée en avril 2023. Romain Desbrosses, lui, vendra ses premières bouteilles de vin bio en juillet 2023, avec un projet, « développer le pinot gris pour proposer un rosé de qualité. »
Infos pratiques : Domaine Perdikouris, 1, route d’Amazy, Les Enseignes, Tannay. Tél. : 03 86 29 37 73. Vente au domaine sur rendez-vous / Domaine de Bel Air, Villiers-sur-Yonne. Tél. : 06 80 89 24 51. Mail : romaindesbrosses@orange.fr
Antoine Gavory