S’habiller n’est plus uniquement une question de style. Quels sont les impacts de cette industrie sur la planète et qu’est-ce que la mode écoresponsable ? Décryptage avec Gildas Minvielle, directeur de l’observatoire économique de l’Institut français de la mode.
À quel point l’industrie de la mode est-elle néfaste pour la planète ?
Gildas Minvielle : On lit souvent que la mode serait la deuxième industrie la plus polluante de la planète. Je serai plus nuancé. D’immenses progrès restent à faire dans la production de matières comme le coton, qui utilise beaucoup d’eau, ou bien encore certaines matières synthétiques. Mais le problème est plus complexe. Des études de la Commission européenne montrent que, outre la production textile, les services, le stockage et les transports sont aussi à considérer. Depuis cinq ans environ, face aux attentes et aux exigences des consommateurs, la plupart des entreprises, de Primark aux enseignes de luxe, s’orientent vers une mode plus écoresponsable.
Quel a été le déclencheur ?
Je crois que la tragédie du Rana Plaza, l’immeuble de confection qui s’est effondré à Dacca au Bangladesh en 2013, a profondément marqué les esprits. Cela a entraîné aussi une réflexion profonde autour des enjeux sociaux et environnementaux de la mondialisation. Les conditions de travail des ouvriers du textile doivent s’améliorer. Le sujet n’est pas nouveau. Ce qui l’est, c’est la généralisation de cette préoccupation.
Quelle serait, pour vous, la mode écoresponsable idéale ?
Beaucoup de critères entrent en jeu. On parle beaucoup du recyclage, de la seconde main, et du made in. On se dit, à juste titre, qu’un produit fabriqué en France est plus contrôlé que dans une région lointaine, que les conditions sociales sont meilleures. Mais je crois aussi dans la circularité de l’économie de la mode. Malgré les contraintes techniques, il faudrait généraliser le recyclage pour enfin arrêter de solliciter les ressources de la planète.
La seconde main est une solution…
La seconde main n’est qu’un moindre mal car le produit possède une durée de vie finie. Mais cela ne fait que repousser le problème. Utiliser des matières comme le polyester recyclé me paraît être l’avenir. Pour l’instant, cette technique représente encore un coût inabordable pour certains consommateurs. Je ne crois guère en l’écoresponsabilité des enseignes à très bas prix. La solution pour les consommateurs reste donc pour l’instant d’acheter moins mais mieux.
Comment s’y retrouver en tant que consommateur ?
Pas facile de donner un conseil alors que la lisibilité des produits n’est pas obligatoire ! Il y a des projets de loi pour l’affichage, un peu comme dans l’alimentation. Cela permettrait de prendre en compte la matière et la provenance du produit afin d’acheter en connaissance de cause.
Vous restez très positif…
Je côtoie beaucoup d’entreprises qui se placent sur le chemin de l’effort et du progrès grâce au moteur que constitue l’exigence du consommateur. C’est un mouvement de fond. Et cette prise de conscience va s’accélérer. D’ailleurs on a pu voir, pour la première fois pendant les élections, l’écologie s’installer dans les débats. Il y a encore une grande inertie, mais les jeunes générations semblent avoir envie de faire bouger les choses. Alors j’ai de l’espoir !
À lire sur ifmparis.fr, l’étude de l’Institut français de la mode sur la mode écoresponsable
Virginie Jannière