Vous avez toujours rêvé de devenir trappeur dans le Grand Nord ? A une heure au sud de Nevers, Allier Itinérance Mushing vous emmène en chien de traîneau dans la forêt de Tronçais, première chênaie de France. Une expérience inoubliable au cœur de la nature.
Un temps de chien en cette matinée de janvier. Cela tombe bien, Sylvain Cordeau est au rendez-vous en lisière de la jolie forêt de Tronçais (Allier), accompagné de ses seize chiens. Il faut dire que quelques gouttes de pluie au cours d’un mois de janvier trop chaud ne sont pas de nature à décourager celui qui a passé plusieurs mois dans le Grand Nord (Alaska, Canada, Laponie et Russie) et a traversé l’Amérique du Nord à bord d’un canoë amérindien en écorce. C’est néanmoins avec une grande application que le musher (conducteur de traîneau, NDLR) nous équipe de casques et livre quelques recommandations simples mais importantes au sujet de l’attitude à adopter avec ses alaskans, des chiens parfaits pour l’attelage.
Peu à l’aise avec ce qui est pourtant le meilleur ami de l’homme, je ressens une petite appréhension à l’arrivée de cette horde bruyante qui vient nous renifler. Aucune panique en vue finalement grâce aux mots de Sylvain qui a su m’apprendre les bons gestes et la juste attitude face aux costauds canidés. Le musher prend ensuite le temps de nous raconter l’histoire des trappeurs, avec passage obligé par la ruée vers l’or intimement liée au mushing, discipline regroupant toutes les activités autour de l’attelage de chiens. Armé d’un solide diplôme d’État (le DEJEPS attelage canin mention perfectionnement sportif), Sylvain Cordeau se définit d’abord comme un éleveur canin.
Des chiens entraînés comme des sportifs de haut niveau
« Il faut s’occuper de ses chiens comme un coach prépare des sportifs de haut niveau : nourriture saine, entraînements quotidiens et soins », explique celui qui conserve auprès de lui ses fidèles compagnons à la retraite une fois qu’ils n’ont plus la capacité de tirer un attelage. Pour ce passionné, les animaux ne sont pas là uniquement pour les touristes en mal d’aventures en chien de traîneau. « Faire le taxi ne m’intéresse pas. J’aime la transmission et cela passe aussi par la pédagogie pour faire découvrir le mushing et cette forêt sublime ». Au moment de monter dans le kart (qui remplace donc le traîneau), il calme en quelques mots doux le groupe – ne pas dire meute au-delà de 10 chiens ! De quoi donner de grandes leçons de communication non violente à pas mal de monde.
Ne vous attendez pas à une gentille promenade en calèche. Ces chiens sont de grands sportifs et courent vite : autour de 20 km/h selon les passages. J’avoue avoir été surprise par le démarrage fulgurant de l’attelage malgré les ornières, les branchages, les feuilles et la boue. Sylvain Cordeau, debout derrière nous, dirige ses chiens à la voix, mais toujours sans crier. Comment ces derniers font-ils pour entendre et comprendre ses indications de destination ? Mystère. J’apprends par la même occasion que le chien menant l’attelage connaît sa gauche et sa droite et sait passer les informations à tout l’attelage, en aboyant. Sylvain Cordeau aime aussi féliciter Caramel, Buck (les fans de Jack London comprendront) ou Georges et n’hésite pas à s’arrêter pour les laisser s’hydrater. Pendant la balade, je me régale des anecdotes passionnantes sur la vie de l’aventurier : de la naissance de sa passion pour le mushing à la lecture d’un roman à l’adolescence au jour où il a été poursuivi par un ours pendant une heure trente… Habitant désormais au cœur de la forêt de Tronçais, l’homme semble d’ailleurs croiser des cerfs comme on salue sa voisine de palier.
La menace du changement climatique
Si la vie de Sylvain Cordeau reste liée à son activité chez Itinérance Mushing depuis son démarrage en 2012, une ombre se glisse désormais au tableau : le réchauffement climatique. Comment faire courir ces bêtes quand les températures sont trop élevées ? Sylvain Cordeau diversifie ses activités et loue désormais de drôles de trottinettes électriques à grosses roues (les « fat-trott ») pour faire découvrir la forêt au grand public. Et quelle forêt ! Entre essences de chênes magnifiques et pins odorants, la promenade est superbe et profondément apaisante. Je suis arrivée un rien grognon sous la pluie hivernale et je repars légère, flottant dans un air presque printanier. Il est fort à parier que la météo n’y est pour rien.
L’expérience Canikart en vidéo ici
chien de traîneau infos pratiques : Itinérance Mushing, à Saint-Bonnet-Tronçais (03). Réservation obligatoire au 06 70 19 22 53. Tarifs : pour le cani-kart, 160 euros pour 1 ou 2 personnes, 200 euros pour 4 personnes. Pour le cani-rando (randonnée à pied avec attelage de chien) : 40 euros par personne. Plus d’infos sur itinerancemushing.com
Virginie Jannière