Une chose est sûre, la loi de 2008, qui a instauré le régime de l’AE pour promouvoir l’esprit d’entreprise en supprimant certaines contraintes pesant sur la création, a bouleversé le panorama des entreprises nivernaises. Procédure simplifiée d’inscription, paiement des cotisations selon le chiffre d’affaires réel (pas de recettes = pas de charges) : la formule a connu un grand succès. En 2009, 840 AE ont été créées dans la Nièvre. Au premier trimestre 2011, la Nièvre obtenait même la première place du classement par département selon la part d’AE dans les créations totales d’entreprises avec 63% ! Aujourd’hui, il y en aurait plus de 3000. Plus d’une création d’entreprise sur deux est une AE.
Ce régime, qui semble expurgé de toutes les contraintes et les difficultés inhérentes à la création et au développement d’une entreprise, a mis le rêve à la portée de tous. Pour les nouveaux
arrivants sur le marché de l’emploi, pour les candidats à la reconversion professionnelle, au chômage ou non, la tentation est grande car l’AE renvoie l’image de conditions de travail idéales : liberté et possibilité de vivre de sa passion. Sans ce régime, une grande majorité d’entreprises n’aurait pas vu le jour. Un rapport conjoint de l’Inspection Générale des Finances et de l’Inspection Générale des Affaires Sociales de 2013 dit que ce régime doit être préservé comme un acquis car « il offre, à un nombre important de personnes, l’opportunité de sortir de l’inactivité, du sous-emploi ou de l’économie informelle. » C’est ce qui explique que les profils des créateurs soient variés et qu’il soit quasiment impossible d’établir un portrait type du créateur d’AE. Un peu plus de la moitié des auto-entrepreneurs serait des hommes, de moins de 40 ans, exerçant une autre activité.
Plus d’une création
d’entreprise sur deux
dans la Nièvre est une AE
Quel que soit son profil, l’auto-entrepreneur demeure un bouc émissaire parfait. L’AE fait l’objet de critiques (incompétences, absence de qualifications, concurrence déloyale, etc.), notamment de la part des artisans exerçant leur métier sous un régime différent. L’AE n’est pourtant pas le diable que l’on présente souvent. Sans nier les abus réels, le rapport administratif déjà cité répond aux critiques qui résulteraient « des difficultés conjoncturelles rencontrées par certains secteurs qui ont eu tendance à identifier les AE comme la cause de difficultés dont ils sont, plus probablement, les enfants et les conséquences. »
La loi Pinel, qui entrera en vigueur en 2015, apaisera sans doute les tensions en instaurant plusieurs obligations comme l’immatriculation obligatoire pour les commerçants et les artisans en AE au Répertoire des Métiers ou au Registre du Commerce et des Sociétés, le suivi d’un Stage Préalable à l’Installation obligatoire pour un artisan et la mention de son assurance sur ses factures et devis.
Voir les AE comme des « fausses » entreprises qui viendraient déstabiliser les « vraies » ne reflète donc pas la vérité.
Un créateur d’entreprise n’est pas systhématiquemet un bon chef d’entreprise
L’AE est une entreprise comme les autres. Il n’y a pas de « statut » de l’auto-entrepreneur qui relève du statut de l’entreprise individuelle. Ce n’est certes pas une révélation mais l’oublier peut s’avérer aventureux pour le créateur. Car un bon outil ne fait pas
automatiquement un bon artisan… Passée l’euphorie de la création facile, l’autoentrepreneu se retrouve les deux pieds dans la réalité.
Et on ne s’improvise pas chef d’entreprise. En AE, il faut être aussi son propre comptable, directeur du marketing, de la publicité et des ventes, commercial, secrétaire, etc. Il n’y a d’activité que s’il y a des clients. Il n’y a de clients que s’il y a une offre, des prix justes et un gros travail pour se faire connaître et se « vendre ». Moins de la moitié des AE serait « active ». Ce dont on peut être sûr c’est que l’échec, la démotivation et la déception peuvent arriver vite. Deux grandes raisons se détachent : la faiblesse du chiffre d’affaires et le manque d’accompagnement.
Evidemment, réaliser un chiffre d’affaires n’est ni certain ni immédiat. Plus de 90% des auto-entrepreneurs actifs gagneraient moins que le Smic la première année. Quatre sur dix déclareraient moins de 6.000 euros par an. Bien sûr le CA n’est pas forcément un bon indicateur puisqu’une AE peut être créée dans le seul but de compléter ses revenus.
Mais, si l’AE s’inscrit dans un projet de vie, la lenteur (ou l’absence) du décollage du CA conduit vite à la fin des illusions. Et on peut estimer que le manque de préparation, de capacité et, parfois, de lucidité, est à l’origine de la plupart des échecs.
Le régime de l’AE donne la possibilité de se faire « la main » avec les réflexes du chef d’entreprise. Il reste cependant nécessaire de se poser les bonnes questions avant de se lancer car de l’activité et de l’ambition de chaque porteur de projet dépend le choix du
régime. L’idéal est de se faire accompagner par des professionnels. A Nevers, la Chambre de Commerce et d’Industrie, la Chambre des Métiers et de l’Artisanat, Initiative Nièvre ou encore BGE (Réseau des Boutiques de Gestion), conseillent les futurs entrepreneurs, proposent des diagnostics et organisent régulièrement des ateliers de formation à l’autonomie et à la gestion d’entreprise.