Des légendes et traditions, la Nièvre en compte une flopée… Déclinaison régionale de « classiques » (dames blanches, pierres sacrées, bagarres entre Diable et Dieu, et pérégrinations de Saint-Martin), certaines sont en revanche typiquement locales et ont perduré sous la forme de fêtes populaires insolites. D’autres, toutes neuves mais franchement sympas ne sont pas encore traditionnelles mais ne demandent qu’à le devenir.
Les régions françaises à fort passé rural charrient naturellement leur lot de légendes et traditions, souvent issues des superstitions paysannes et transmises lors des veillées. La Nièvre n’y a pas échappé et le poète Achille Millien s’est même fait un devoir de rassembler ce corpus, véritable travail d’ethnologie qui aujourd’hui encore fait date. Parmi ces traditions, de nombreux poncifs du folklore mais aussi quelques perles typiquement nivernaises qui se perpétuent lors de fêtes populaires.
Clamecy : Joutes nautiques et train de bois
Où ? Clamecy
Quand ? 6 et 7 juin (train de bois pour Paris) et 14 juillet (joutes nautiques)
C’est le cas à Clamecy, marquée par son passé lié au flottage du bois. La ville a vu son essor au XIXème siècle lorsqu’elle est devenue le point de départ du bois de chauffage destiné aux Parisiens.
Coupées dans les forêts morvandelles, marquées au deux extrémités par le signe de son propriétaire – un marchand de bois qui récupérait son dû à Paris -, les bûches étaient jetées à l’eau (on appelait cela le « petit flot »), flottaient jusqu’à Clamecy où elles étaient triées selon les marques puis acheminées au prix de mille dangers par la corporation des flotteurs sous la forme de « trains de bois » (les bûches étant simplement assemblées au moyen de cordages pour former un long radeau mesurant jusqu’à 75 mètres de long) et, du Canal du Nivernais par l’Yonne et la Seine, débarquées à la capitale. Le périple de ce « grand flot » durait 11 jours, puis le flotteur rentrait à pied. Pour perpétuer l’esprit de ces rudes travailleurs, un événement exceptionnel est organisé cette année par l’association Flotescales: un train de bois de 72 mètres va être mis à l’eau le 7 juin et convoyé selon la tradition jusqu’au Port de Bercy à Paris où il est attendu le 5 juillet, des animations étant organisées lors d’escales. Le 6 juin, la fête nautique participera à l’ambiance avant le départ du train de bois dans les lueurs du feu d’artifice !
Enfin, à la belle saison, les flotteurs s’affrontaient lors de joutes nautiques dont le vainqueur, le « roi sec », devenait le chef des flotteurs pour l’année. Cette tradition est perpétuée chaque année le 14 juillet pour un spectacle toujours populaire !
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Les flotteurs, par leur activité, étaient au contact d’autres ouvriers durant tout leur périple et à leur arrivée à Paris. Peu payés, pratiquant un métier dangereux, (les « pertuis », ou portes sur le canal se passent de jour comme de nuit), à la merci des exigences des marchands de bois, ils développent une conscience ouvrière qu’ils diffusent dans la région de Clamecy. On les retrouvera en particulier à la tête de la résistance au coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte au mois de décembre 1851.
Saint Saulge : Divin Bovin
Où ? Saint-Saulge
Quand ? Le 3 mai prochain
A Saint-Saulge, la « montée de la vache » s’inscrit dans la tradition d’élevage de la région. Il se dit que lors d’une année où les verts pâturages nivernais avaient laissé place à des pelouses clairsemées (vous vous souvenez de la canicule de 2003 ?
Ce genre de désastre), le manque des fourrage était tel qu’il ne fallait pas perdre le moindre brin d’herbe, y compris celui poussant sur le toit de l’église… d’où l’idée d’en faire grimper une sur l’édifice divin ! Cette « légende » est une des plus fameuses du pays de Saint-Saulge, si fameuse qu’elle a donné l’idée il y a plus d’un demisiècle à une poignée de copains de faire une blague.
En 1962, une structure en grillage enveloppée de plâtre fut hissée sur le toit de l’église avec la bénédiction du curé : la montée de la vache était née (même si on trouve trace d’une fête depuis 1914…) Aujourd’hui, c’est une reproduction de vache en résine qui a été réalisée et c’est elle qui passe les beaux jours au pied du clocher au-dessus du porche de l’église. Avec ses 173 kilos, la Charolaise nécessite l’aide de 7 à 8 bénévoles, de cordages et d’un treuil récupéré dans l’ancien abattoir de la commune pour être amenée à son alpage nivernais, prétexte à une fête populaire très courue !
Et aux premières brumes, les mêmes spectateurs viennent admirer la descente de la vache, remisée pour passer l’hiver à l’abri. A Saint-Saulge, ce ne sont pas les hirondelles mais les bovins qui font le printemps…
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Saint-Saulge est le village des « légendes », c’est-à dire de plaisanteries naïves dont les habitants étaient particulièrement friands ! Selon le site du Syndicat d’initiative, un curé officiant dans le village entre 1710 et 1719 aurait attribué l’origine de celles-ci à la princesse Marie de Nevers. Pour d’autres, elle viendrait d’un procureur du roi, Lazare Depardieu, qualifié « d’ingénu ». Ces légendes furent immortalisées en cartes postales au début du XXème siècle et sont très prisées des collectionneurs. Des reproductions sont d’ailleurs en vente au village.
Challuy : Le sabot, coup de pied à l’impôt
Où ? Challuy
Quand ? Le premier week-end d’octobre
A Challuy, la traditionnelle fête du sabot remonte à un fait historique du moyenâge… Il se raconte qu’au pont de Challuy, il fallait payer l’octroi du pont de la Loire pour rejoindre Nevers (les défenseurs du péage pour Paris afin de limiter les automobiles dans la capitale n’ont rien inventé). Or, les piétons chaussés de souliers payaient cet impôt alors que les porteurs de sabots, eux, pouvaient emprunter le pont gratuitement ! Un petit malin eut alors l’idée de créer un commerce de location de sabots, et s’installa au carrefour Saint-Antoine. Les piétons à souliers s’arrêtaient chez lui, échangeaient leurs chaussures contre une paire de sabots, traversaient la Loire gratuitement… avant de refaire l’échange, leurs affaires à Nevers terminées !
C’est sans doute en souvenir de cette époque qu’une fête du sabot fut organisée, d’abord à ce même carrefour Saint-Antoine en face de la statue du même nom, puis déplacée au Clos Saint-Antoine, les voitures à cheval devenant de plus en plus nombreuses à cet endroit. C’est enfin dans le bourg que la fête a fini par s’organiser. Longtemps abandonnée, elle revit aujourd’hui grâce au comité des fêtes de la commune qui s’apprête à organiser cette année la 4ème édition. Traditionnellement, elle a lieu en automne, en présence d’une fierté nivernaise : un des plus grands sabots du monde !
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Homologué en 1989 par le Guiness book, le sabot de bois présent à chaque édition de la fête du sabot à Challuy a été réalisé par Alain Marchand, sabotier à Gouloux. Il a longtemps été le plus grand sabot du monde avec ses 3,80 mètres taillés dans un tronc de séquoia à la sueur (mais aussi et dans l’ordre : à la tronçonneuse, à la hache et à l’herminette, avant polissage au papier de verre). S’il n’est plus le plus grand du monde (un Belge a réalisé un sabot de 5,31 mètres de long), le sabot nivernais est sans conteste le plus gros : 2,5 tonnes contre 1080 petits kilos pour la savate belge reléguée au rang de tong.
Vielmanay : retour vers les années 30
Où ? Vielmanay
Quand ? 21 juin
A Vielmanay, tout a commencé en 2005 lorsque l’institutrice décide de travailler avec ses élèves sur l’histoire du patrimoine communal. Un premier musée voit le jour : la reconstitution d’une scène de lavage du linge au lavoir comme au début du XXème siècle. Puis c’est la création d’un musée consacré à l’école d’antan et voilà qu’une association (Mémoire d’Antan) voit le jour pour mettre en valeur divers lieux du village et les faire vivre à l’ancienne. Regroupés sous l’appellation des Musées de Louise en l’honneur d’une habitante du village, c’est aujourd’hui une dizaine de scènes qui sont le théâtre d’animations diverses.
En 2011-2012, le mariage de Louise et Jules a été célébré comme dans les années 30 et l’année dernière, c’était la fête au village avec les habitants costumés. Cette année, la découverte d’une vieille affiche publicitaire pour Le Petit Journal a donné l’idée d’une manifestation baptisée Les réclames s’affichent en musique qui aura lieu le 21 juin. Cinq artistes-peintres vont réaliser sous les yeux des visiteurs des reproductions de réclames du début du siècle (le XXème) en rapport avec les lieux où elles seront apposées : le lavoir, la café-épicerie… le tout en musique !
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Pour la Nuit des Musées qui aura lieu dans la soirée du 16 mai prochain, les visiteurs sont invités à découvrir les musées de Louise à la lueur des lampes à pétrole. Attention à ne pas être surpris si vous rencontrez des habitants en train de converser à la veillée, ou des consommateurs attablés dans le café comme en 1930 !
Luzy : Vintage mais pas que
Où ? Luzy
Quand ? 31 juillet, 1er et 2 août
L’année dernière, Luzy a accueilli la 1ère édition de Rock’a’bylette, soit un retour vers le futur des années 50 au début des eighties. Robes à pois et bananes gominées, ou pantalons pattes d’éph’ et cols pelles à tarte, vieilles voitures et rock garage cohabitaient dans un esprit foutraque bon enfant et surtout pas sectaire pour vivre comme au bon vieux temps (chacun le sien, d’ailleurs) et assister ou participer à des compétitions très sérieusement organisées bien que particulièrement loufoques : course de lenteur en mobylette, de brouette, de solex ou record du lancer de pantoufle.
Pour la deuxième édition, les organisateurs parient toujours sur ce mix des genres pour attirer des publics variés : amoureux du vintage, propriétaires ou amateurs de rassemblement « d’anciennes » (voitures de plus de 30 ans, pour les non-initiés), nostalgiques du baby-foot et du flipper…
Prévu en plus cette année, la diffusion du film Good Morning England et sa bande-son démente, une soirée disco le vendredi soir, des concerts le samedi, du spectacle de rues… Les entrées aux spectacles sont volontairement peu élevées (à payer en monnaie du festival, c’està-dire en « balles » comme dans une chanson de Renaud) et le mot d’ordre est : habillez-vous ! En fouillant dans l’Emmaüs d’Etang-sur-Arroux, un des partenaires de la manifestation, dans les malles de tata Nicole qui a fait Woodstock ou de grand-mère Paulette qui a offert des pâquerettes au GI en 1945, voire du cousin Serge qui était le roi de la piste en 1974, c’est bien le diable si vous ne serez pas raccord…
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C’est après une balade entre Luzy et la Dune du Pilat (dans la région bordelaise) effectuée sur des mobylettes motobécane 51 que Julien et Jérémy ont eu l’idée de Rock’a’bylette. Là-dessus se sont greffés des copains, chacun avec des suggestions marrantes et l’envie de garder l’identité campagnarde de Luzy et surtout la volonté d’ouvrir la manifestation au plus grand nombre sans sectarisme et voilà comme la mayonnaise a pris et bien pris…