À l’initiative en 2019 avec des parlementaires d’une commission d’enquête citoyenne “Forêts bien commun”, le journaliste Gaspard d’Allens, auteur du livre Main basse sur nos forêts, estime crucial de re-politiser la question des enjeux forestiers.
Pourquoi vouloir faire de la forêt un « bien commun » ?
Gaspard d’Allens : Depuis 50 ans, nous avons été dépossédés d’un pan de notre territoire qui représente 16,9 millions d’hectares, soit un tiers du pays. Le terme « bien commun » est un étendard. Il s’agit d’organiser une ré-appropriation citoyenne, pour que la forêt ne soit plus la mainmise des professionnels et des propriétaires, mais que chacun puisse donner son avis sur son avenir. La forêt va jouer un rôle important dans la lutte pour l’environnement. Or, on se rend compte qu’il y a une intensification de l’industrialisation depuis dix ans avec le développement des usines à biomasse et de la monoculture comme dans le Morvan, où le pourcentage de résineux est passé de 20 % dans les années 70 à environ 60% aujourd’hui. Faire de la forêt un bien commun, c’est refuser qu’elle ne soit qu’une usine à bois.
Vous avez initié en 2019 avec plusieurs parlementaires une commission d’enquête citoyenne “Forêts bien commun”. Qu’a-t-elle permis ?
Je ne voulais pas que mon livre soit juste un réquisitoire. La forêt est quelque chose qui s’arpente, qui se vit. C’est ce travail que nous menons avec la commission d’enquête citoyenne. L’idée est de démontrer qu’il y a des batailles à mener contre le productivisme. Ce travail a donné lieu à de nombreux amendements dans le cadre de la loi climat de 2021. Mais nos propositions ont été balayées ou édulcorées, notamment sur les coupes rases. La forêt n’est pas présente dans la loi climat. C’est pourquoi nous avons créé « L’appel pour les forêts vivantes », une coordination des mouvements qui luttent pour la défense de la forêt.
Comment voyez-vous l’avenir de ces combats ?
Il faut re-politiser la question des enjeux forestiers, c’est-à-dire défendre les écosystèmes mais aussi les conditions de travail de ceux qui les entretiennent, protéger le service public forestier. Pourquoi la forêt dépend-elle du seul Ministère de l’Agriculture et pas de celui de la Transition écologique ? Nous sommes toujours dans la vision de Michel Cointat, ministre de l’Agriculture de 1971, qui disait que si la forêt produit du bois, nous devons la traiter comme un champ de petits pois. Mais c’est oublier tout ce qu’elle nous apporte. Cela ne veut pas dire que nous sommes contre la production, mais pour la responsabiliser. Notre émotion est à géographie variable. On est touchés par la déforestation en Amazonie mais on ne sait pas ce qu’il se passe ici. Nous agissons en faveur d’une re-territorialisation du mouvement climat pour que le prochain quinquennat soit moins pauvre que le précédent sur ces questions.
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Propos recueillis par Antoine Gavory