Ouverte il y a 40 ans dans l’ancien couvent des Ursulines, la médiathèque Jean Jaurès à Nevers n’a cessé d’évoluer, s’ouvrant à de nouvelles pratiques comme le jeu vidéo et proposant chaque année quelque 300 événements parmi lesquels des ateliers d’éveil au cirque ou de décryptage des infox. Koikispass est allé à la rencontre de son directeur, Jean-François Lefebure, pour en savoir plus.
Pouvez-vous résumer la médiathèque de Nevers en quelques chiffres ?
Jean-François Lefebure : La médiathèque de Nevers, c’est 400 000 documents accessibles (livres, DVD, CD, jeux vidéo, journaux, magazines, BD, vinyles…), environ 300 événements gratuits chaque année (rencontres, ateliers, expositions…), 36 600 inscrits actifs cumulés, dont 10 400 de moins de 18 ans, et plus de 300 000 transactions chaque année (prêts, retours, réservations…). C’est aussi un abonnement annuel fixé à 8 € pour les habitants de Nevers agglomération, 15 € pour les autres, et gratuit jusqu’à 13 ans de même que pour les collégiens, les lycéens et les étudiants de moins de 26 ans sur présentation d’un certificat de scolarité. Cet abonnement permet d’emprunter également dans les quatre autres bibliothèques de l’agglomération que sont Fourchambault, Garchizy, Pougues-les-Eaux et Varennes-Vauzelles. Il donne par ailleurs accès à la plateforme en ligne Marguerite qui propose plus de 14 000 films (documentaires, cinéma d’auteur, blockbusters…), soit plus que Netflix, des centaines de modules d’autoformation pour apprendre le code de la route, les langues, la cuisine ou encore le jardinage, ainsi que la possibilité de consulter 750 titres de presse.
Comment la médiathèque a-t-elle évolué depuis sa création en 1983 ?
L’enjeu a toujours été d’en faire un lieu de vie. La directrice de l’époque souhaitait s’inspirer des bibliothèques scandinaves, qui sont conçues comme des lieux d’échanges et qui abritent souvent une cafétéria. Mais ce n’était pas encore dans l’air du temps en France et cela ne répondait pas à un besoin des usagers. Depuis, les choses ont changé. On considère désormais que tout ce qui peut être partagé doit pouvoir trouver sa place au sein d’une médiathèque.
Comment cela se traduit-il ?
Nous essayons de tisser davantage de liens avec l’extérieur et de nouer des partenariats, comme nous l’avons fait par exemple au moment du lancement de la grainothèque au printemps dernier. Ce service, imaginé avec la direction des espaces verts de la Ville de Nevers, permet de déposer et d’échanger librement des graines de fleurs, de fruits et de légumes. Il a déjà donné lieu à l’organisation d’un troc de plantes ainsi qu’à des ateliers d’initiation de reconnaissance des végétaux. Nous travaillons également avec le centre social du Vertpré qui dispose d’une collection de 1 000 jeux de société qu’il est possible d’emprunter. Des médiateurs du Vertpré viennent en outre une fois par mois entre nos murs pour présenter des jeux. À l’heure où il nous faut apprendre à économiser les ressources, la médiathèque répond pleinement à un besoin de mutualisation et de sobriété.
Ne pâtissez-vous pas encore de l’image vieillotte des bibliothèques ?
Il est certain qu’il faut renouveler la vision de la bibliothèque à l’ancienne et faire évoluer l’imaginaire que l’on en a. La médiathèque d’aujourd’hui ressemble davantage à une agora où l’on vient pour s’instruire, se divertir et faire des rencontres. Raison pour laquelle nous avons totalement modifié l’entrée en 2017 et supprimé la borne d’accueil qui pouvait apparaître comme un obstacle et se révéler dissuasive. Nous avons souhaité que la médiathèque se vive comme un espace de liberté sans barrières où l’on peut venir lire, consulter la presse, voir une exposition sans contrôle et sans droit d’entrée. À cela s’ajoute une riche programmation d’ateliers (éveil au cirque, maîtrise des outils numériques – notamment pour décrypter les fake news –, initiation à la robotique avec des Lego…) à laquelle vous donne accès votre abonnement. Sans oublier la Grotte bleue, un espace qui, comme son nom l’indique, prend l’apparence d’une grotte et où l’on peut venir écouter des contes avec les enfants dès l’âge de 6 mois.
Pour cibler les enfants et les ados, vous avez également mis en place un espace consacré aux jeux vidéo…
Le jeu vidéo est devenu un secteur culturel à part entière. Depuis 2019, les jeux vidéo génèrent plus de revenus que l’industrie du cinéma et celle de la musique enregistrée réunies. À l’heure actuelle, nous possédons trois consoles (une PS4, une XBox et une Switch), un casque de réalité virtuelle Oculus, bientôt une PS5, et offrons l’accès à un catalogue de quelque 300 jeux. Les sessions durent une heure et permettent de jouer en famille ou entre amis mais aussi avec les joueurs rencontrés sur place. En parallèle, nous avons lancé un Mois du jeu vidéo dont la deuxième édition s’est tenue en novembre avec un tournoi de Mario Kart et des conférences. Nous avons par exemple accueilli un designer qui a travaillé avec Ubisoft, l’un des plus importants éditeurs de jeux vidéo au monde, qui a ainsi pu présenter son métier à une centaine de personnes et même quelques maquettes du futur jeu Avatar. Depuis l’ouverture de l’Espace jeux vidéo, nous sommes parvenus à toucher une population d’adolescents qui ne venaient plus dans les médiathèques et qui ont pris une adhésion pour pouvoir jouer. Ils peuvent aussi profiter de l’espace BD et mangas conçus pour eux et situé juste à côté. C’est une bonne porte d’entrée pour ensuite explorer les autres ressources de la médiathèque.
Vous accompagnez également le retour du vinyle…
Au troisième étage, nous avons aménagé un espace consacré à la musique et au cinéma où l’on peut emprunter CD et DVD et où l’on peut piocher dans une collection de 400 disques vinyles qui mêle musique classique, jazz, pop-rock et groupes locaux. C’est un fonds dont nous nous étions séparés à la fin des années 1990, l’usage ayant quasiment disparu. Depuis, c’est un support qui a fait un retour en force et qui nous vaut de plus en plus de demandes de la part entre autres de nos jeunes adhérents. Pour faciliter l’écoute, nous proposons deux platines vinyles qu’il est possible d’emprunter pendant un mois. C’est aujourd’hui un espace où les gens viennent spécialement et qui constitue un lieu à part entière.
Vous évoquiez le modèle des médiathèques scandinaves conçues comme des lieux de vie et qui abritent des cafétérias. Est-ce un projet qui pourrait voir le jour à Nevers ?
L’idée d’ouvrir une cafétéria figurait dans le projet initial. Ceci permettrait de toucher les actifs qui pourraient venir profiter de la médiathèque sur leur pause déjeuner. Ce serait en tout cas une bonne façon de faire de la médiathèque un lieu de vie permanent.
On vous emmène avec nous visiter la médiathèque de Nevers ici
Infos pratiques : Médiathèque Jean Jaurès, 17, rue Jean Jaurès, Nevers. Jusqu’au 1er avril, ouverture le mercredi de 10 h à 19 h, le jeudi et le vendredi de 14 h à 19 h et le samedi de 10 h à 18 h. Entrée libre. Plus d’infos sur mediatheque-agglo.nevers.fr
Propos recueillis par Renaud Charles