Le présent étant ce qu’il est et le futur hasardeux, Koikispass a décidé de leur tourner le dos en empruntant la Nationale 7, celle de Trenet et des vacances au soleil du temps, ma bonne dame, où l’avenir était radieux. De Neuvy-sur-Loire à Saint-Pierre-Le-Moûtier, balade garantie 100% nostalgie et sans attestation…
Appelée Route Impériale n°8 sous Napoléon, puis Route Royale n°7 en 1824 avant de devenir la Route nationale 7 sous la IIIème République, la « Route Bleue », ou « Route des vacances » rallie Paris à Menton via Lyon et… la Nièvre fierté ! Ses presque 1000 km (996 en réalité) ont inspiré le jeu des 1000 bornes avec lequel les boomers ont joué (les versions vintage se négocient une blinde). Durant les Trente Glorieuses, la démocratisation des vacances de masse justifie l’équipement de la Nationale 7 : tout au long du trajet, les stations-service, garages, auberges et hôtels se succédaient pour accueillir les vacanciers. Au cours d’une balade on peut retrouver de vieilles enseignes, des publicités peintes, des panneaux indicateurs… témoins de cette époque insouciante.
En voiture Simone !
DEPART : NEUVY-SUR-LOIRE
UNE PETITE NIVERNAISE LOCALE
Pour les vacanciers qui partaient vers le sud, Neuvy-sur-Loire était la première commune nivernaise sur la Nationale 7. En 1859, la construction du chemin de fer de Paris à Cosne-sur-Loire met le petit village en lumière. Glauque, la lumière. Car les ouvriers travaillant sur le chantier mettent au jour, selon Le journal de la Nièvre, 32 cadavres dans un champ au lieu-dit Les Brocs. Une décennie plus tôt, dix corps
avaient déjà été découverts et l’on avait alors pensé à un ancien cimetière. On découvrira que les coupables étaient en fait les tenanciers de l’ « Auberge de la Girafe » qui entre 1830 et 1860 ont assassiné leurs clients pour les dépouiller. Et puisqu’on est dans les faits divers restons-y : Neuvy-sur-Loire est aussi la commune de naissance de Violette Nozières, célèbre dans les années 1960 pour avoir assassiné son père qu’elle avait accusé d’inceste…
SOUVENIR…
L’usine de caoutchouc Fougerat a employé jusqu’à 180 ouvriers et fabriquait des pneus et chambres à air réputées « indégonflables », notamment pour les bicyclettes, dès la fin du 19e siècle. La société Augery & Fougerat menait aussi une campagne publicitaire patriotique contre les pneus américains. Le 17 juillet 1944 l’usine fut bombardée par les avions américains et le château de la fabrique perdit 2/3 de ses bâtiments…
ETAPE 1 : LA CELLE-SUR-LOIRE
A La Celle-sur-Loire, l’Auberge Nivernaise tenue par Henri Trottier proposait une station-essence, le téléphone public, l’épicerie, les journaux et une table courue par les célébrités de l’époque. On raconte qu’Elsa Triolet, le peintre Utrillo, Léon Zitrone, Guy Lux et autres Martin Circus y avaient leurs ronds de serviette !
ETAPE 2 : MYENNES
Entre Myennes et Cosne-sur-Loire, le relais routier l’Étape était une station-service, restaurant, garage et une halte indispensable pour tous les routiers. Ils pouvaient s’y restaurer 24h/24 en profitant du soleil et des terrasses qui donnaient sur la Loire. Dans les années 50, le relais fut agrandi avant de devenir une maison d’habitation.
ETAPE 3 : COSNE-SUR-LOIRE
Rue de Paris, la Chaumière Tivoli était un lieu réputé pour ses banquets, son cadre, sa terrasse : construite vers 1855 par la réunion du café Le Tivoli et d’une salle de bal. Ouverte jusque dans les années 1960, on s’y arrêtait pour déguster la friture de Loire au beurre frais. Pour les amoureux de la Nationale 7 d’antan, l’arrêt s’impose au relais routier La Tassée, ouvert dans les années 60. Si le relais existe toujours, le bâtiment d’époque a malheureusement été détruit dans un incendie en 2014. La reconstruction – presque à l’identique – permet néanmoins de s’y croire !
En repartant de Cosne-sur-Loire, on peut apercevoir un garage en bord d’autoroute. Ici se trouvait le relais de L’ Escargotière, tenu dans les années 60 par un certain M.Brisson. Le relais gastronomique fut rasé lors de la construction de l’A77 exactement sur le tracé de la N7
ETAPE 4 : POUILLY-SUR-LOIRE
Dans les années 60, pas d’autoroute A77. Partis de bon matin, les Parisiens arrivent à Pouilly-sur-Loire vers midi. Pile-poil pour le déjeuner ! De quoi remplir les bidous et faire reposer la mécanique. Pouilly-sur-Loire compte alors 5 restaurants étoilés et le plus ancien bistrot du village, Chez Mémère, réputé pour sa cuisine familiale. Repris en 1984 par un couple de lorrains, Chez Mémère a fermé ses portes à la fin de l’année 2020. Tout fout l’camp !
(MAUVAIS) SOUVENIR…
MALTAVERNE : puissance mais fin de gloire…
Les habitants connaissent tous le « virage Distel », là où dans la nuit du 28 avril 1985, à 3 h 20 du matin, la Porsche 924 Carrera 4 du chanteur Sacha Distel – qui revenait d’un enregistrement de l’émission Champs-Elysées de Michel Drucker – quitte la route et s’écrase contre un pylône. Sa passagère, la comédienne Chantal Nobel, star du feuilleton Châteauvallon, est gravement blessée et défigurée. Elle cessera définitivement la comédie.
BONUS : A Pouilly, on trouvait aussi le relais Shell, devenu célèbre pour avoir inspiré – décidément – la maquette de la marque de miniatures Norev. D’abord détruite, la station a laissé place au Relais des 200 bornes. Repris par deux passionnés de la route en 2016, Bruno et Carol Gontard, le Relais des 200 bornes est aujourd’hui devenu un lieu de rendez-vous pour tous les passionnés de voitures anciennes et a acquis une réputation nationale parmi les lieux à ne pas manquer.
ETAPE 5 : POUGUES-LES EAUX
Si la désormais célèbre « Faites de la Nationale 7 » – rassemblement d’amateurs de véhicules anciens et de vintage – a lieu tous les deux ans dans la ville thermale, ce n’est pas un hasard. Tous ceux qui ont plus de 25 ans se souviennent encore des immenses embouteillages lors des départs en vacances puisque la N7 traverse la commune de part en part ! La ville comptait donc de nombreux hôtels haut-de-gamme. Parmi eux, Le Grand Hôtel qui jouxtait la station-service restée ouverte jusqu’à la fin des années 1990, appartient aujourd’hui à un particulier passionné avec le projet d’en faire un musée de la Nationale 7.
ETAPE 6 : NEVERS
Arrivée à Nevers, l’ancienne Nationale 7 ne passait pas par l’actuel tracé. Et pour cause, le quartier était jusqu’au milieu des années 1960 celui des “Pâtis”, le secteur marinier de la Loire neversoise. La Route bleue traversait donc le centre-ville : Avenue Colbert, Place Carnot et rue du 14 juillet pour ceux qui partaient et rue du commerce pour ceux qui remontaient. Les jours de grande affluence, il fallait s’armer de patience : la traversée de Nevers pouvait prendre plus d’une heure ! La destruction du quartier des Pâtis démarrée en 1961 laisse place à la déviation. La mise en place de la rue commerçante en zone piétonne attirera les foudres des commerçants. La municipalité d’alors leur promet que ce sera provisoire.
ETAPE 7 : MAGNY-COURS
Magny-Cours est à-peu-près la seule commune de la Nièvre à mettre en valeur son patrimoine routier. L’ancienne station service a été reconvertie en équipement culturel. Il est alors composé d’une salle de projection et d’une salle de réception pouvant accueillir une soixantaine de personnes.
BONUS : Le premier circuit de Magny-Cours créé en 1959 par Jean Bernigaud, maire de Magny-Cours et propriétaire du terrain, est une piste de karting1 de 510 m de long. En 1986, François Mitterrand fait en sorte que le département rachète le circuit et le transforme en circuit de Formule 1, homologué en 1989. Le Premier Grand Prix de France a lieu en 1991. Raison pour laquelle, Pierre Bérégovoy décide de faire construire une voie rapide (l’A77) qui doit être terminée en 2000. Mais en 2021, la voie rapide n’est toujours pas finie et le Grand Prix de F1 n’est plus là depuis 2008… Mauvais timing !
ETAPES 8 : MOIRY
Si Moiry « n’est qu’un » hameau de SainteParize-le-Châtel, cette ancienne commune (appelée Méry) regorgeait de joyaux architecturaux et avec l’avènement de l’automobile, de nombreux commerces. Parmi ceux-là, un drôle de bâtiment construit au début du Xxe siècle, l’Hôtel du Petit Château, devenu ensuite L’hôtel de la rocade.
ETAPE 9 : SAINT-PIERRE-LE-MOUTIER
Saint-Pierre-Le-Moûtier était une ville étape qui accueillait des garages, des hôtels, des auberges et une flopée de boutiques. Aujourd’hui, la ville a gardé bon nombre des célèbres plaques Michelin. Elle vaut toujours un arrêt pour ses quelques vieilles boutiques restées dans leur jus. La municipalité, elle-même fait du Koikispass avec des Panneaux Avant/Après…
Plus qu’une route, une culture !
L’argent : Dans les années 60, on paie en Francs (depuis 1795 et jusqu’au 31 décembre 1998). Le salaire moyen en 1960 est de 284,00 nouveaux Francs. Pourquoi nouveaux Francs ? Parce qu’en 1958, on décida que le nouveau Franc valait 100 anciens Francs…
Les objets publicitaires : Les fabricants et les commerçants eux, se mettent à faire toutes sortes de produits dérivés : porte-clefs plus originaux les uns que les autres, disques de stationnement, de cendriers de terrasse, des carafes à eau… Bref tout est bon pour que l’automobiliste ait envie de s’arrêter, d’acheter et de devenir un consommateur.
Les jeux : C’est en s’inspirant de la Nationale 7 qui fait exactement 996km qu’Edmond Dujardin créé en 1954 le jeu des 1000 bornes. Depuis 1954, ce jeu 100% français se vend chaque année à 200 000 exemplaires soit plus de 13 millions d’exemplaires, ce qui en fait le jeu français le plus vendu !
L’ère de la réclame : Avec la voiture naît l’ère de la publicité et les nationales sont toutes trouvées. On peint alors les murs des maisons pour vendre des machines à laver, de l’huile automobile ou encore de l’alcool ( Magny-Cours) ou pour les stations-service comme celle de Tronsanges. Après avoir fait le bonheur des marmots partant en vacances (les panneaux étaient devenu un jeu), ils font aujourd’hui le bonheur des collectionneurs de voitures anciennes comme Alain Pommier faisant fièrement poser sa SIMCA 1300 de 1967.
La chanson : En 1955, Charles Trénet chante « Nationale 7 »…« Route des vacances qui traverse la Bourgogne et la Provence ». La chanson lui a été inspirée par ses trajets dans sa maison de Juan-les-Pins.
Les panneaux Michelin : C’est Michelin qui, en 1910 offrit les premiers panneaux de signalétique. Soyons clairs c’était un coup de pub magistral puisque 30 ans après l’arrêt de la signalétique Michelin, ils sont aujourd’hui devenus des objets de collection que certaines communes continuent pourtant de détruire.
Que reste t-il de nos amours routières ? Deux musées. A Piolenc (84) et un autre récent à côté de Montargis (45), les pavés de la Route Bleue, une spécialité chocolatière de Pouilly-sur-Loire, quelques bornes par-ci par-là, quelques panneaux Michelin, mais surtout du rêve. Celui d’une époque où les vacances commençaient en bas de son immeuble et où la route ne conduisait pas seulement d’un point A à un point B. Quant à la Nationale 7 dans la Nièvre, malgré des bonnes volontés, et une flopée de passionnés, on attend toujours que cette route historique serve d’attrait touristique à notre département ! Merci à Marc Verat, Alain Pommier pour leur concours à la conception de ce dossier.
Photos ©Antoine Gavory / Marc Verat / Alain Pommier