En attendant la prochaine édition du D’Jazz Nevers Festival, qui aura lieu du 5 au 12 novembre, nous avons demandé à Mathieu Durand, programmateur au Club Jazzafip sur Fip Radio, plus vieille émission de jazz en France, de nous partager son amour pour la note bleue.
Quelles sont les origines du jazz ?
Le jazz fait partie de ces musiques qui ont des racines multiples et mystérieuses. Il est né d’une tragédie, celle de la déportation des Africains aux Etats-Unis pour travailler dans les champs de coton. C’est un mélange entre les rythmes africains, notamment le blues, et la manière qu’avaient les esclaves de chanter, qui s’appuyait sur un système de questions/réponses. Mais aujourd’hui encore, on se bat pour donner une définition du jazz. D’autant que c’est une musique qui est toujours en train de se métamorphoser, de se nourrir de plein d’autres influences. Le jazz me fait penser au lapin dans Alice aux pays des merveilles, toujours en train de s’échapper et qu’on n’arrive jamais à attraper.
Producteur de l’émission Open Jazz sur France musique, Alex Dutihl parle lui du jazz comme d’un « vampire métis qui, depuis sa naissance, suce le sang des autres musiques pour se régénérer »…
C’est une belle définition. Je la compléterais en parlant de la transmission qui existe entre les générations. Tel le vampire qui se nourrit du sang de la jeunesse pour devenir immortel, le jazz est une des musiques où il y a le plus d’échanges entre les générations de musiciens. La grande force de Miles Davis est d’avoir toujours su s’entourer des jeunes talents comme John Coltrane à ses débuts ou Herbie Hancock. En France, Michel Portal, qui a 86 ans, a également fait ça. Il a été l’un des premiers grands à s’intéresser à l’accordéoniste Vincent Peirani et au saxophoniste Emile Parisien qui sont aujourd’hui deux fers de lance du jazz français.
Pourquoi le jazz est perçu de manière élitiste alors qu’il est l’invention des esclaves afro-américains ? C’est un paradoxe.
Le jazz a cette capacité à la fois d’être une musique savante et populaire. Le saxophoniste Archie Shepp et le pianiste Ahmad Jamal le qualifient de “musique classique afro-américaine”. Les grands artistes sont ceux qui arrivent à maquiller sa complexité et à le rendre accessible. C’est le cas par exemple de Franck Sinatra. En l’écoutant, on a l’impression que tout est simple alors que chanter une chanson de Sinatra cela demande un sens du rythme incroyable. La particularité du jazz c’est aussi de sortir des formats. C’est un cadre qui offre beaucoup de liberté. Et c’est une des raisons qui m’a fait aimer cette musique. Lorsque j’allais dans des concerts de rock, j’avais parfois l’impression d’écouter le CD. C’est tout l’inverse dans les concerts de jazz. Les musiciens se permettent plus d’improvisation. On ne sait jamais à l’avance ce qui va se passer.
Comment s’initier au jazz ?
Déjà en écoutant le Club Jazz sur Fip Radio tous les soirs à 19 h, qui est la plus vieille émission de jazz en France ! On essaie de mélanger les générations et les styles pour que tout le monde s’y retrouve. Sinon, parmi les artistes que je recommande, il y a bien sûr John Coltrane, notamment son album Ballads. Il m’a fait aimer le jazz par sa spiritualité et son charisme. Une autre grande musicienne qui m’a initié, c’est Nina Simone. Elle a cette force d’être une grande pianiste en plus d’être une grande chanteuse. Je conseille notamment son album Nina Simone sings the blues, une époque où elle commence à faire le basculement du jazz vers la soul. Il y a aussi son album Wild in the wind avec deux morceaux magnifiques d’intensité Black is the color of my true love’s hair et Four women.
Infos pratiques : Le Club Jazzafip, tous les soirs de 19 h à 20 h sur Fip Radio. A écouter sur fip.fr, l’appli Fip ou en podcast.
Propos recueillis par Guillemette Guérin