Ils ont à peu près le même âge, et chacun d’eux a hérité d’un domaine familial. Portraits croisés de deux « poids lourds » locaux, fleurons de leurs appellations respectives : Jonathan Pabiot, la relève de Pouilly et Stéphane Riffault, l’orfèvre de Sancerre.
Il a déjà dû entendre la vanne cent fois : contrairement à ce que son nom laisse croire, Jonathan Pabiot est bien bio, certifié en 2006 ! En 2016, il a même opté pour la biodynamie (label Demeter). Le principe : proscrire les produits chimiques et inscrire le travail de la vigne dans le respect des cycles solaires et lunaires. Si ça vous fait sourire, sachez que les plus grands vins du monde comme la Romanée-Conti en Bourgogne suivent le pli.
Au sommet du vieux village des Loges, la cave, entourée de ceps, est idéalement située, avec la Loire en contrebas. On aperçoit Sancerre, de l’autre côté de la rive. Jonathan explique : « Le domaine est bâti sur des terrains en coteaux escarpés, essentiellement calcaires, qu’on appelle ici « terres blanches » (marnes argilo-calcaires) et « caillottes » (sols de calcaire dur), qui donnent des vins tout en fraîcheur, minéralité et nervosité. » Le grand-père Lucien avait commencé par 3 hectares et demi. Le père, en quatre décennies, est monté à 15 ha. Jonathan a repris le flambeau en 2005, rejoint par sa compagne Nina, et atteint 20 ha. « L’outil de travail est magnifique », reconnaît Jonathan.
Du champagne contre du pouilly
Avec sept cuvées en tout (pouilly-sur-loire inclus) – parmi lesquelles Luminance 2021, un blanc élégant, ciselé, iodé, salin, à la finale interminable –, cet ex-champion de motocross aime les défis. Il a pris sept ans pour lancer Utopia 2020, pouilly fumé naturel issu de vieilles vignes. Une rareté pour vino-geeks (2 400 bouteilles par an !), facturée 48 € le flacon. C’est aussi un vrai visionnaire sur le chasselas, cépage blanc désormais rare, entrant dans l’appellation « pouilly-sur-loire », qu’il refuse de brader. Le sien sort à 23 €, plus cher que son entrée de gamme en pouilly fumé (18 € au caveau). Jean-Hervé Chiquet, l’ex-propriétaire des champagnes Jacquesson, en est fan. « On s’échange des caisses de Jacquesson contre du chasselas ! »
Domaine Jonathan Didier Pabiot, 1, rue Saint-Vincent, Les Loges, Pouilly-sur-Loire. Visites uniquement sur RDV (et jamais le week-end). Tél. : 03 86 39 01 32. Boutique en ligne sur jonathanpabiot.fr
Le domaine, d’une quinzaine d’hectares, porte encore le prénom de son père, Claude. À 44 ans, Stéphane Riffault, vigneron de Sury-en-Vaux (Cher), règne avec sa compagne Bénédicte sur 15 hectares morcelés en différentes parcelles « mais toutes assez proches, à 2 km autour de la cave ». De ces divers terroirs, il tire huit blancs, un rosé et deux rouges.
Après un BTS viticulture-œnologie à Beaune (Côte-d’Or) et un passage à Saint-Émilion (Gironde), Stéphane Riffault revient aider ses parents en 2001. La suite : certification bio en 2016, conversion à la biodynamie en 2013 et certification officielle Biodyvin en 2021.
Un travail de haute couture
Le génie de ce grand gaillard méticuleux et humble, qui nous reçoit en cette veille de vendanges dans une cave d’une propreté irréprochable, est de rechercher des vins « de texture, singuliers et identitaires », comme il aime à dire. Ce passionné a saisi très tôt l’intérêt de travailler ses cuvées via une rigoureuse sélection parcellaire : « Deux parcelles d’une même assise géologique, séparées de seulement quelques centaines de mètres, peuvent donner des vins radicalement différents. »
S’ensuit en cave un travail de haute couture « pour retrouver l’expression brute de chaque lieu-dit » : les raisins sont vinifiés et élevés séparément, chaque cuvée visant à retranscrire le plus fidèlement possible un terroir donné. Précis, exigeant, porté par une vraie vision (« Sur mes sauvignons, je ne cherche pas le côté lacté, beurré : je veux garder la fraîcheur de base du raisin »), le vigneron signe des blancs époustouflants, dotés d’une trame minérale remarquable, parfois iodée, subtilement entremêlée de notes florales et fruitées, encensés par la critique.
Domaine Claude Riffault, Maison Sallé, 26, rue des Champs des prés, Sury-en-Vaux (18). Tél. : 02 48 79 38 22. Boutique en ligne sur clauderiffault.com
Tina Meyer