Reportage réalisé en partenariat avec la Sauvegarde 58
Le service d’insertion professionnelle de l’association La Sauvegarde 58 aide les jeunes porteurs de handicap invisible à accéder à l’emploi, et les entreprises à recruter autrement. Clément et Tristan, tous deux apprentis en CAP en alternance depuis la rentrée, nous en disent plus.
Des cils interminables, un puissant regard vert et un sourire gigantesque. En cette journée pluvieuse de novembre, lorsque Tristan entre dans le bureau de la société Arbres et Jardins où il travaille en apprentissage, il irradie comme un soleil. Si le jeune homme, porteur d’un handicap invisible, a connu de nombreux déboires personnels et scolaires, son parcours est celui d’un jeune homme à la volonté sans faille. En 2022, alors qu’il travaille dans un ESAT (Établissement et service d’aide par le travail), Tristan est intimement persuadé qu’il a, lui aussi, sa place dans le milieu professionnel classique. Son destin change lorsqu’il croise la route des professionnels de l’insertion de l’association La Sauvegarde 58 qui croient en lui et lui proposent de tenter un CAP en alternance. Il rencontre alors Romain, l’un des deux dirigeants d’Arbres et Jardins à La Charité-sur-Loire, qui décide de lui faire confiance dans le cadre d’un contrat d’apprentissage. Clément, lui aussi, est porteur de handicap invisible. Le jeune homme se rendait tous les jours à l’Institut médico-éducatif (IME) Claude Joly à Marzy jusqu’à ce qu’il annonce à ses parents son désir de passer un CAP. « On a eu peur pour lui. Allait-il s’intégrer dans un CFA ? Allait-il réussir à suivre les cours ? Il était tellement motivé que nous lui avons fait confiance », témoigne sa mère.
L’accompagnement par le travail, la clé d’une normalité retrouvée
« Dès le premier jour chez Arbres et Jardins, c’était une évidence : Tristan avait de la motivation et du potentiel. Nous avons vu juste car il se révèle un super travailleur », confie Romain. Côté défaut, Tristan possède celui qui n’en est pas un : le jeune apprenti est un peu trop perfectionniste. « Je demande à évoluer. Je sais que j’ai des défauts mais je veux toucher à tout, apprendre ; et puis, surtout, être comme tout le monde », confie Tristan qui habite désormais son propre appartement. « C’est un employé comme un autre si ce n’est qu’on doit souvent le rassurer car il se met trop la pression », enchaîne Romain. Clément, lui, est en apprentissage chez Bricomarché à Varennes-Vauzelles. Accueilli avec bienveillance par Éric et Pascal, il a d’abord été décontenancé par la taille du magasin et la complexité des tâches à effectuer au sein du rayon quincaillerie. Désormais, Clément vole presque de ses propres ailes. « Il a choisi le rayon quincaillerie en apercevant un bouton de porte en forme de ballon, comme un petit porte-bonheur pour ce grand fan de foot », se souvient Gaëlle, la responsable du magasin.
Un apprentissage encadré qui rassure les entreprises
Clément a su faire face aux difficultés grâce à la bienveillance d’Éric et Pascal. « C’est en fait à nous de nous adapter au handicap de Clément, pas en changeant notre manière de travailler mais en changeant notre manière de communiquer », indique Pascal. Si Clément, maillot de l’OM sur le dos, est aujourd’hui à l’aise dans son travail, être en contact avec le public et se retrouver dans un nouvel environnement n’était pas évident pour lui. « Il noircissait des pages de carnets au début pour se souvenir de tout ce qu’on lui disait. Il ne déjeunait pas avec nous le midi. Maintenant, il connaît son travail, reste pour la pause déjeuner et échange beaucoup avec ses collègues », se réjouit Gaëlle. « Clément est l’un de nous, on ne se pose pas de questions ! », résume Pascal. Côté Arbres et Jardins, « Céline Gojon [la chargée d’insertion professionnelle de La Sauvegarde 58, Ndlr] passe régulièrement voir Tristan. Être accompagné rassure l’employé comme l’employeur », estime le chef d’entreprise.
Un changement de regard sur le handicap : un virage nécessaire
« Il faut changer notre regard sur le potentiel de ces salariés en entreprise », estime Christine Boguet, référente départementale en inclusion (PRISME) de La Sauvegarde 58. D’ailleurs, l’organisation refuse désormais d’envoyer CV ou lettre de motivation de ces jeunes en insertion. Pour Christine Boguet, ce sont aux entreprises de croire en ces profils différents. « Ces jeunes fédèrent les équipes, et même davantage : ils apportent du sens au travail de leurs collaborateurs », souligne Gaëlle, la responsable de Bricomarché. Tristan et Clément ont désormais la joie de recevoir des fiches de paie chez eux. Un détail administratif pas si anodin. Clément se réjouit d’avoir pu se payer, seul, sa console de jeux vidéo et vise désormais le permis de conduire. « Il passe son temps à me demander la permission de s’acheter des choses. Comme s’il n’arrivait pas à croire qu’il acquiert enfin son autonomie ! », s’émeut sa mère. « Pouvoir être indépendant, c’est une fierté. Entre le million d’euros et mon travail, je choisis mon travail », lance Tristan. CQFD.
Les ESAT et IME, un vivier de salariés en apprentissage
Soudeurs, blanchisseurs, préparateurs auto, menuisiers, jardiniers, agents d’entretien… Les ESAT et IME forment des jeunes à de nombreux métiers. Pour autant, il leur est possible de continuer à se former en alternance en CFA et en entreprise. Grâce à l’implication de la DREETS de Bourgogne-Franche-Comté (direction régionale de l’Économie, de l’Emploi, du Travail et des Solidarités), de la collaboration des ESAT et des IME, La Sauvegarde 58 facilite l’insertion en entreprises des travailleurs porteurs de handicaps invisibles.
Virginie Jannière
Plus d’infos sur sauvegarde58.org